Profondeur et sensibilité féminine

 

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Une fois accomplis, ses pastels brillent d’un doux éclat emprunt d’une merveilleuse sérénité, laissant deviner l’expression d’une réelle quête intérieure.

 

L’artiste-peintre Hafiza Bechiri Lannabi a exposé du 10 au 16 du mois en cours, une soixantaine d’aquarelles à la galerie Issiakhem. Les férus d’arts plastiques ont eu l’agréable surprise de découvrir une belle collection de pastels, de petit format pour la plupart. De véritables pièces d’orfèvrerie qui allient à la magie et la douceur printanière des couleurs, une profondeur et une sensibilité toute féminines. Hafiza Bechiri peint spontanément, à sa manière, -usant de semi-figuratif et de formes abstraites-, les fleurs, les ruelles et impasses désuètes de la médina, sa mère drapée de la m’leya constantinoise, les anfractuosités brunes du Vieux rocher…Le massacre des enfants de Gaza lui a également inspiré trois aquarelles, une sorte de triptyque au titre éloquent : «Gaza et le Phosphore».

Là, les tons deviennent flamboyants, plus intenses, par rapport à la sobriété habituelle de sa palette, laissant enfin jaillir une révolte longtemps contenue. Elle utilise une technique d’aquarelle très personnelle, un mélange de couleurs de son propre cru, qui émergent au gré de son inspiration. Une fois accomplis, ces pastels dégagent un rayonnement emprunt d’une merveilleuse sérénité. A notre sens, l’artiste laisse deviner l’expression d’une réelle quête intérieure. «Pour moi, nous confie-t-elle, il y a toujours un pan de lumière au bout de la rue que je peins ; la lumière est l’élément le plus important». Vrai, le plus frappant dans ces vieux boyaux sombres de la médina, c’est justement cette blancheur éclatante qu’elle saisit dans sa substance même, et qu’elle arrive à rendre de façon étonnante. L’impression finale est féerique, comme si l’espoir était matérialisé… Elle voue d’ailleurs, dans ce sens, un respect particulier à la peinture de Paul Cézanne, dont l’impressionnisme s’appuie principalement sur la sensation visuelle.

Elle évoque aussi pour nous le « déclic » qui s’est fait en elle lorsqu’elle a vu l’artiste plasticien constantinois, Mahmoud Taoutaou, manier le pinceau devant elle. «J’ai été fascinée par ce geste, sa façon de faire bouger le pinceau, de le faire courir sur un espace donné; je crois que j’ai appris quelque chose», nous a-t-elle avoué. Voici, d’autre part, l’avis d’un amateur d’art, que nous avons rencontré sur les lieux, sur ces aquarelles : «L’artiste a fait un travail de synthèse, beau et intelligent ; elle est fluctuante, vaste, exubérante dans sa recherche ; chez elle ça peut aller des couleurs les plus claires, jusqu’au brun, pour un effet réussi de contraste ; il n’y a pas de plan fermé quand elle peint ces ruelles ; il y a une progression qui tend à aboutir vers l’essentiel, vers un véritable dépouillement dans sa quête de pérennité.» Rappelons que Hafiza Bechiri Lannabi est sortie de l’école des beaux-arts en 1972 ; elle a participé, depuis, à plusieurs expositions à l’échelle nationale.         

 

Farida Hamadou