Jusqu’au 10 octobre se tient à la galerie d’art de l’Etablissement Arts et Culture à Didouche Mourad (Alger) ,une exposition de photographies et  de peintures qui met en scène des personnages  « anormaux » qui surgissent dans l’espace public offrant ainsi  aux passants un spectacle « hors du commun » qui vient les arracher à un quotidien monotone…L'exposition est initiée par le collectif Asswad depuis le 28 septembre dernier. Elle est baptisée El Tibaq.

Des artistes algériens mais aussi des artistes espagnoles amateurs ou professionnels  qui à travers des photographies ou des tableaux osent l’imagination où la part de la réalité est moindre. L’un des artistes présent à l’exposition, en l’occurrence Mazia Djab du collectif artistique Assawad photographe met en scène des personnages dans un espace public algérois, ses photographies prises à la Casbah  ou en encore à la rue Didouche Mourad saisissent des moments « fantastiques » où désintéressé du regard de l’autre.

Uun couple s’adonne à une séance photo pas comme les autres. L’un des deux personnages se promène avec une paire de « belighas » à ses pieds, et l’autre personnage féminin adossé au mur habillé un peu « bizarrement » lit un journal algérien arabophone devant un kiosque situé à Didouche Mourad.

Un autre jeune artiste, Nassim Ouafek, la trentaine, autodidacte, à travers un tableau nous donne à voir une Casbah d’Alger baignée dans une ambiance morne où les ruelles désertes cèdent la place à des douérates ou maisonnettes  fièrement érigées. Ouafek comme Mazia interrogent chacun à sa manière  l’espace urbain.

Si Mazia et Mohamed Benhadj du collectif Assawad questionnent l’espace public  en le faisant sortir le temps d’une séance photo de son conformisme marquant ; Meriem Leghouati peintre autodidacte tente   d’interroger l’espace urbain malade de sa dualité. Deux tableaux en noir et blanc qui nous montrent deux femmes  face à face, l’une en haïk au caractère effacé et l’autre en habits modernes au caractère plus affirmé, la cigarette à la main. Sans donner de réponse, l’artiste interroge finalement cette « différence » vestimentaire ou caractérielle qui peut être a du mal à se réconcilier…

Abdou Charef également peintre autodidacte, lui interroge quelque part le  corps de la femme  telle que perçue par  notre société. Il met en scène le corps d’une femme mi nue mitraillés par des regards curieux, des yeux l’observent, le scrutent de partout…avidement.

 

Trois questions à Mazia  Djab du collectif Asswad :

 

« L’art urbain pour  se libérer des carcans »

 

Parlez-nous un peu plus de vos photographies déroutantes ?

C’est une préparation qui commence par l’écriture. Après cela nous donnons libre cours à la spontanéité. Avec Mohamed Benhadj artiste graphiste, nous tentons à travers nos œuvres d’interroger nos traditions. Ou plus exactement comment dans la pensée arabe  se conjuguent le traditionnel avec l’individualisme.  Trop de conformisme pèse sur notre société, un conformisme qui handicape notre part d’originalité surtout chez les jeunes où l’éducation, l’enseignement l'ont freiné.  Nous essayons à travers nos séances photo apparemment improvisées par exemple à la Casbah de permettre à nos jeunes de rêver. Comme dans le tableau où un personnage habillé comme dans un conte de fée  fait irruption dans une ruelle à la Casbah…

Pourquoi parlez-vous de traditions et individualisme ?

Il est vrai qu’il y a des traditions que nous devons garder précieusement, d’autres dont nous devons se débarrasser. Certes cela ne se fait pas du jour au lendemain. C’est à nous artistes de travailler cela et ce, en exprimant la part d’originalité de notre société, notre part d’originalité .En fait jusqu’à nos jours encore nous surfons sur deux vagues où l’individualisme et le traditionnel se rejettent. Si nous voulons qu’ils cohabitent en paix nous devons justement être nous-mêmes  encore une fois en extériorisant cette part d’originalités de nous-mêmes.

Parlez-nous un peu plus  de cette vidéo exposée actuellement où vous vous promenez un carton sur la tête à la rue Hassiba Ben Bouali ?

En fait c’est toujours dans le même esprit que nous nous inscrivons. Comment  dans une rue comme Hassiba des gens vont réagir en voyant un personnage se promener avec un carton sur la tête ? Les réactions sont mitigées. Parfois moqueuses, d’autres fois plus admiratives…Mais notre but ce n’est pas  de faire réagir les gens ou les provoquer. C’est simplement de dire qu’au final on peut être nous-mêmes et mieux encore d’exprimer des possibilités qu’aujourd’hui les jeunes perdent de vue à force de trop se conformer. 

 

Le collectif Asswad réunit  Mazia  Djab et Mohamed Benhadj, il a vu le jour il y a de cela deux ans.

Hamida Mechaï